Épisode aussi bref qu’intense, aujourd’hui oublié, l’aventure de la « Main à plume » constitue pourtant un des éléments majeurs de l’histoire du surréalisme. En 1940, suite au départ d’André Breton, plusieurs jeunes créateurs se regroupent pour résister à l’occupant, tout en poursuivant une intense activité créatrice, avec la publication de plaquettes, aujourd’hui introuvables. Huit de vingt-trois membres périront : déportés, fusillés, ou tombés au front. Docteure ès Lettres, mais aussi traductrice et autrice, Léa Nicolas-Teboul a retracé le parcours du groupe. Propos recueillis par Étienne Ruhaud.
Le 06/12/2023 à 15:37 par Auteur invité
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06/12/2023 à 15:37
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Étienne Ruhaud : Pouvez-vous, brièvement, nous dire ce qu’était « La Main à plume » ?
Léa Nicolas-Teboul : « La Main à plume » était un groupe surréaliste actif pendant l’Occupation, à Paris. C’était pour l’essentiel de jeunes poètes ou peintres, et des militants. Ils ont publié de nombreuses plaquettes collectives et individuelles, en contournant la censure allemande, et ont participé, pour beaucoup, à la résistance à l’Occupation.
On sait que le groupe a choisi ce nom en référence au poème « Mauvais sang », tiré d’Une saison en enfer. Pourquoi ce clin d’œil à Rimbaud ?
Léa Nicolas-Teboul : Je crois que la citation de Rimbaud était d’abord pour le groupe une manière discrète, quasiment chiffrée, de se rattacher au surréalisme. Puisque le groupe considère fin 1940 / début 1941 qu’il est dangereux de prononcer ce mot-là sur la place publique, on va dire les choses poétiquement. Sur le fond, la radicalité du message de Rimbaud renvoie à une critique de l’activité littéraire comme activité de spécialistes, celle des gens de lettres. « La main à plume vaut la main à charrue. Quel siècle à mains. Jamais je n’aurai ma main. »
Ce qui évoque aussi la place des scribes, disons, dans une société de classes. C’est quand même le point de départ de la Révolution surréaliste. En adoptant ce nom, le groupe affirme donc : « Nous sommes surréalistes mais aussi, nous sommes là, avec l’Occupation et la guerre qui paraît tout remettre à plat, pour accomplir ce que la Révolution surréaliste a laissé derrière elle. »
Plusieurs membres de la Main à plume, tel Jacques Bureau, viennent de la revue Réverbères. Quelle était exactement cette revue ? La Main à plume se situe-t-elle clairement dans le sillage de Réverbères, ou marque-t-elle une rupture ?
Léa Nicolas-Teboul : Les Réverbères étaient une revue très intéressante, qui réunissait des peintres, des poètes, des musiciens, et organisait beaucoup de soirées, de théâtre, de jazz avant-guerre. On pourrait la qualifier de néo-dadaïste. Bureau était un passionné de jazz, sur lequel il a beaucoup écrit, en plus d’être un homme de radio résistant. Plusieurs personnalités de la Main à plume (Jean-François Chabrun, Noël Arnaud, Marc Patin, Régine Raufast, etc.) venaient effectivement de cette revue. La plupart étaient tout jeunes, lycéens.
Mais, dès 1938, Chabrun rejoint le groupe de Breton. Il publie dans Les Réverbères un manifeste, « Entarte Kunst », qui pose la base du ralliement au surréalisme d’une jeune génération intellectuelle antifasciste. Pour Chabrun et ses camarades, rejoindre le surréalisme, c’est rejoindre un espace de création collective mais aussi adhérer à des positions politiques. Après la fondation de la Main à plume et le lancement de la première plaquette collective (au printemps 1941), un second convoi d’ex-Réverbères entre dans le groupe : Noël Arnaud, Jacques Bureau, essentiellement. Ils adhèrent finalement en juillet 1941 à ce que proposait Chabrun trois ans plus tôt.
Pour eux, l’Occupation allemande change tout et rend impossible de poursuivre leur activité artistique telle quelle. En ce sens, je réponds fermement, la Main à plume est un groupe surréaliste. Un groupe surréaliste singulier du fait de la guerre et de sa composition mais groupe surréaliste assurément. Cela saute aux yeux si on ouvre les plaquettes collectives. L’écriture, les références littéraires, le rapport entre les essais et les poèmes, le travail d’édition et de composition de la revue. Tout renvoie au surréalisme !
Fiché par le gouvernement de Vichy, Breton a quitté la France en mars 1941. On sait également que les rapports entre le pape du surréalisme et la Main à plume ne furent pas toujours harmonieux. Là encore, pouvez-vous nous en dire davantage ?
Léa Nicolas-Teboul : Breton quitte la France alors que la Main à plume entre en gestation. On peut même dire que la formation du groupe représente une réponse au départ de Breton. Dans « État de présence », son premier manifeste, la Main à plume se définit comme ceux qui restent contre ceux qui partent. Au départ, malgré l’exil, c’est plutôt la fidélité et la continuité à Breton qui sont affirmées.
Robert Rius, personnage-clé de la Main à plume, a été un des plus proches amis de Breton dans l’immédiat avant-guerre. Mais pendant toute la guerre, les communications sont complètement coupées avec les États-Unis. En juillet 1943, le groupe écrit une grande lettre à Breton, qui ne va jamais lui parvenir.
C’est un récapitulatif de son activité éditoriale et poétique, de ce que fut son parcours politique. Breton reste une référence centrale, mais une sorte de père absent. Et il ne saura pratiquement rien de la Main à plume avant la fin de la guerre. Inversement, celle-ci ignore tout de ce qui s’écrit et se publie aux États-Unis et au Mexique. Il y a donc une rupture existentielle et générationnelle entre Breton et la Main à plume, qui vient de la guerre et de ce qu’ont traversé les uns et les autres.
Éluard, lui, a refusé l’exil, mais il était au parti communiste. Là encore, quels furent ses rapports avec la Main à plume ?
Léa Nicolas-Teboul : Éluard est entré à la Main à plume à l’automne 1941. Il a donné plusieurs textes importants pour les plaquettes collectives. Il publie dans La Conquête du monde par l’image « Poésie involontaire et poésie intentionnelle », un texte assez représentatif de l’idée que la Main à plume se fait de la poésie. La poésie apparaît comme une activité collective, une faculté partagée qui traverse aussi le langage quotidien.
Et puis sa présence a été un appui important pour le groupe. C’est aussi la Main à plume qui édite Poésie et vérité 42, à l’automne 1942, un des grands textes de la résistance poétique. Politiquement, Éluard a rompu avec Breton dès 1938 en participant à Commune, revue de l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (AEAR), proche du PCF, ce qui demeure incompatible avec les positions anti-staliniennes des surréalistes.
Ainsi, une partie de la Main à plume était dès le départ hostile à la présence d’Éluard. À l’été 1943, pour des raisons structurelles, les conflits politiques se durcissent. Le champ de la résistance intellectuelle se structure autour du PCF, Éluard demande sa réinscription au Parti. Et la Main à plume attaque ses positions dans une série de tracts assez incendiaires.
Vous parlez, à plusieurs reprises, de « trotsko-surréalisme ». Or nous savons que ce courant politique fut rejeté par le parti communiste, qui « gérait », essentiellement, les Francs-Tireurs partisans. De fait, les membres de la Main à Plume étaient généralement d’obédience trotskiste. S’agit-il donc d’abord d’un mouvement trotskiste, ou d’un groupe surréaliste au sens strict ? Ou des deux ?
Léa Nicolas-Teboul : La Main à plume est assurément un groupe surréaliste mais la proportion de militants au sens fort du terme était beaucoup plus importante que dans le groupe d’avant-guerre. Ce qui change les équilibres. Certains étaient membres d’organisations trotskistes (POI) et la plupart se reconnaissaient dans des positions oppositionnelles, à la gauche du PCF.
Par exemple, Manuel Viola (qui signe alors ses textes J.-V. Manuel) venait du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, actif pendant la guerre d’Espagne), C’était un ami de Péret. D’autre part, pour les jeunes gens qui entrent dans le groupe dans le courant de la guerre, tout est lié. On vient au groupe surréaliste parce qu’on veut résister. Avec ce terme, « trotsko-surréalisme », je veux montrer que le projet surréaliste tel qu’il est pensé et expérimenté pendant la guerre fait corps avec une certaine idée de la Révolution sociale.
Par exemple, au début de la guerre, Henri Goetz et Christine Boumeester, accompagnés de Christian Dotremont et Régine Raufast, ont lancé de petites actions de contre-propagande. Ils distribuaient des tracts, dans les boîtes à lettres, sur les bancs des églises, recouvraient certaines affiches allemandes avec d’autres messages. Dans ce mode opératoire, il y a beaucoup de choses qui viennent du surréalisme, et qui étaient aussi des messages poétiques. Tout comme Claude Cahun et Marcel Moore l’ont fait à Guernesey, en se présentant comme « le soldat sans nom ».
De même, les écrits publiés par la Main à plume semblent aujourd’hui quelque peu oubliés. Peut-on dire que la Main à plume soit d’abord resté un mouvement de résistance, plus qu’un mouvement artistique, esthétique ?
Léa Nicolas-Teboul : Je ne crois pas qu’on puisse réduire la Main à plume à un mouvement de résistance, même s’il serait temps de reconnaître sa place dans la résistance intellectuelle sous l’Occupation. Travailler sur ce groupe méconnu c’est forcément réhabiliter ses écrits, ses recherches. Il faut lire les textes.
Certaines choses sont inégales ou datées, mais il y aussi des poètes importants : Blanchard, Dotremont, Rius, par exemple ; des essais qui n’ont pas pris une ride. Contrairement aux autres revues surréalistes, la Main à plume n’a pas eu de reprint. C’est Jean-Michel Place qui devait s’en charger. À l’époque, Dotremont a tenu à ce que Cobra paraisse avant la Main à plume, mais Jean-Michel Place a ensuite fait faillite et la Main à plume n’a jamais eu son reprint !
Cet engagement, plusieurs membres l’ont payé de leur vie. Jean-François Chabrun rappelle ainsi que huit des vingt-trois membres sont morts. On sait que certains ont été fusillés par les Allemands à la plaine de Chanfroy. D’autres, parce que juifs, ont été déportés. S’agit-il d’un mouvement engagé, au sens sartrien du terme ? Ou l’expression reste anachronique ?
Léa Nicolas-Teboul : On peut parler de mouvement engagé, oui. À condition de garder en tête que cet engagement ne se réduit pas à la notion sartrienne. Je crois que la Main à plume, c’est cela même qui est en jeu dans son nom, réfutait la division du travail inhérente à l’engagement sartrien. D’un côté l’organisation, les militants, de l’autre des intellectuels ou artistes sympathisants.
La Main à plume est un groupe marqué, qui a vraiment payé le prix fort. La fin tragique du maquis d’Achères-la-Forêt, et la mort de Rius, Simonpoli et Ménégoz est centrale. Mais cette histoire doit aussi être comprise avec les outils de l’histoire sociale. La Main à plume était particulièrement exposée parce qu’elle était composée de beaucoup de juifs, d’étrangers, de gens jeunes. Pour restituer l’histoire de ce groupe, il faut aussi sortir des catégories molaires, reconstituer finement les itinéraires des uns et des autres et d’autres trames du social.
Plusieurs membres étaient juifs, comme Tita ou Hans Schoenhoff, donc. D’autres étaient belges, comme Christian Dotremont. La Main à plume a-t-elle constitué, également, une forme de jonction entre surréalisme français et surréalisme belge ?
Léa Nicolas-Teboul : Absolument, ce lien entre surréalisme belge et surréalisme français est fondamental. Des surréalistes belges ont collaboré à toutes les plaquettes de la Main à plume. D’abord, il y a la présence de Christian Dotremont. Poète, critique et « activiste » surréaliste, déjà, même s’il est tout jeune lorsqu’il arrive à Paris, en avril 1941. Il collabore immédiatement avec le groupe. Il retourne ensuite en Belgique, mais le lien avec la Main à plume reste très étroit.
Du fait de la géographie de l’Europe occupée, la circulation entre la France et la Belgique était plutôt facile. Sur le fond, Dotremont fait dialoguer deux traditions différentes, même si elles se réclamaient du même projet : un surréalisme, disons, du modèle intérieur (le rêve, l’automatisme, etc.) et un surréalisme du signifiant (travail sur la matière verbale, le langage quotidien).
Le surréalisme belge a gardé jalousement son autonomie mais la guerre est un moment de réception nouveau du surréalisme belge chez les Français. Mariën, qui est également en contact étroit avec la Main à plume, publie aussi plusieurs livres de Nougé pendant la guerre. Le surréalisme belge a donné des armes à la Main à plume pour se distancer de la conception de l’automatisme chez Breton.
Il y a aussi cette attention pour la matérialité de la langue qu’on retrouve dans beaucoup de jeux collectifs et d’œuvres en collaboration, comme « L’Amour sur brise-lames », une pièce de théâtre de Dotremont et Raufast ou le « Dictionnaire analytique de la langue française » de Noël Arnaud et André Stil.
La Main à plume est certes un mouvement résistant, politique, mais aussi et peut-être d’abord un mouvement surréaliste, donc esthétique. Quelles innovations a pu apporter ce mouvement ? Doit-on parler de rupture, de continuité, ou des deux ?
Léa Nicolas-Teboul : Il est difficile de penser la Main à plume comme une avant-garde, qui revendique la rupture, affirme la nouveauté. Mais je crois que si on comprend cette expérience de façon immanente à ses propres cadres, comme une tradition inventée ou révolutionnaire, on peut saisir l’innovation et la puissance de dissidence. Dans le domaine de la peinture surréaliste, l’essentiel de la confrontation avec le surréalisme d’avant-guerre se situe autour de ce que Breton appelait le « modèle intérieur ».
Les artistes surréalistes restent-ils des calqueurs de rêve ? Comme Dali ? J’insiste beaucoup sur la notion de « double imagination », proposée par Régine Raufast pour parler des photographies de Raoul Ubac. C’est un article publié dans La Conquête du monde par l’image. Ce qu’elle nomme, c’est le rapport entre le geste créateur (l’imagination de l’artiste) et la matière elle-même sur / avec laquelle elle s’exerce (l’imagination de la matière). La forme produite par l’artiste est le résultat d’une opération ouverte, où la matière a une certaine autonomie.
Chez Ubac, par le biais d’opérations chimiques sur la pellicule : brûlages, solarisations, etc. On peut aussi rapprocher cette idée de l’automatisme gestuel pratiqué par Dominguez, qui a donné ses merveilleuses toiles de la période cosmique. D’autre part, la Main à plume occupe une position médiane entre surréalisme et abstraction. De nombreux peintres abstraits ou venus de l’abstraction ont collaboré à la Main à plume : Goetz, Boumeester, Vulliamy. Manuel Viola a rendu hommage à Paul Klee.
Dans les discussions internes, les correspondances, surtout vers la fin de la guerre, on voit qu’il est question du rapport entre les procédés surréalistes et l’abstraction. Je crois que la Main à plume est un des lieux où se prépare ce tournant, de la peinture surréaliste dominée par la figuration, à l’abstraction spontanée, par exemple chez Jorn.
Ce qui est frappant aussi, c’est que les difficultés à exposer et pour certains à peindre pendant l’Occupation ont produit un retour réflexif vers la théorie et on a des textes importants des peintres sur leur propre pratique. Par exemple, Hérold a rédigé son Maltraité de peinture pendant la guerre, dont il a publié un extrait intitulé « Points-feux » dans le Surréalisme encore et toujours, la cinquième plaquette collective de la Main à plume.
Vous parlez ainsi du « surréalisme de l’objet », concept qui semble nouveau, et propre à la Main à Plume. Là encore, pouvez-vous nous en dire davantage ? Vous évoquez également le « surréalisme du quotidien »…
Léa Nicolas-Teboul : Le concept d’objet n’est pas nouveau, c’est une notion fondamentale du surréalisme des années 30, développée notamment par Breton dans « Crise de l’Objet ». Ce que propose la Main à plume, c’est de reprendre ce paradigme, et de lui faire dire ce qu’il n’a pas encore dit. La Main à plume a lancé une grande recherche collective entre l’automne 1943 et l’été 1944. L’Objet, la dernière plaquette collective était achevée mais elle est malheureusement restée inédite.
Le groupe délaisse, pour des raisons matérielles et idéologiques, la fabrication d’objets surréalistes, pour se concentrer sur des enjeux épistémologiques et philosophiques. Quelle est la signification de l’objet (surréaliste) ? Que nous permettent de connaître les objets ? Et quel est le potentiel émancipateur des objets (surréalistes) dans notre vie quotidienne ? Ce que j’ai appelé « surréalisme du quotidien » réunit ces enjeux.
Le quotidien est un paradigme central des avant-gardes après 1945, il apparaît dès avant-guerre dans le surréalisme mais je pense que la Main à plume est un jalon important. Il émerge directement de l’expérience de la guerre et d’une réhabilitation du banal, de l’expérimental au sein de l’expérience surréaliste. C’est aussi une notion synchrone avec la parution de la critique de la vie quotidienne d’Henri Lefèvre, passeur marxiste central.
Divers membres de groupe, comme Jean-François Chabrun, André Stil, ou Charles Bocquet, ont rejoint le PCF après-guerre. Quels furent les rapports du PCF à la Main à plume ?
Léa Nicolas-Teboul : La Main à plume a été fondée sur des positions trotskistes, à la gauche du PCF. Jean-François Chabrun, une des personnalités centrales du groupe, a demandé son inscription au PC en janvier 1944, mais il ne l’a pas obtenue qu’en 1946, en raison de son passé trotskiste. Ce ralliement a soulevé une violente crise politique à l’intérieur de la Main à plume, qui explique en partie son éclatement l’été de la Libération.
D’un côté, je défends qu’on peut parler de résistance trotskiste, comme l’a fait Nadeau tardivement, mais il faut voir aussi que les organisations trotskistes étaient vraiment marginales et que rejoindre les FTP, comme l’ont fait Rius et Simonpoli, c’était rejoindre des organisations dominées par les communistes.
On sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de rupture dans le fonctionnement du Parti dans la résistance et avant / après-guerre, mais le PCF est soudain apparu à toute une génération intellectuelle comme « le Parti des fusillés », en partie blanchi, même pour ceux qui avaient connu les procès de Moscou et la guerre d’Espagne. Cela explique le ralliement au PC de Chabrun, Arnaud, Jaguer, Dotremont, teinté aussi sans doute d’un certain opportunisme. Pour certains, le passage a été somme toute de courte durée. Quant à André Stil, il est resté un compagnon de route fidèle, et a ensuite toujours caché ses débuts surréalistes.
La Main à plume semble morte après la Libération. En est-il resté quelque chose dans le surréalisme d’après-guerre ? Vous parlez vous-même de « chaînon manquant ».
Léa Nicolas-Teboul : Les seuls membres de la Main à plume qui ont rejoint le groupe de Breton après-guerre, ce sont Jacques Hérold et Adolphe Acker. Hérold a participé à l’exposition internationale du surréalisme de 1947. L’héritage de la Main à plume se situe ailleurs : dans des surréalismes dissidents, éclatés.
À LIRE — Nadja, victime ou protégée d'André Breton ?
Immédiatement, la revue d'Yves Bonnefoy, La Révolution la nuit, témoigne d’une grande proximité avec les questions agitées dans « L’Objet », la dernière plaquette inédite de la Main à plume. D’autre part, l’aventure brève et assez malheureuse du surréalisme révolutionnaire, où sont moteurs plusieurs ex-Main à plume, Noël Arnaud, Christian Dotremont, Édouard Jaguer.
Mais la Main à plume est bien un « chaînon manquant », puisque personne ne s’en réclame à la Libération. Ni le groupe de Breton, ni les dissidents surréalistes. On peut dire, même, que ses héritiers deviennent ses liquidateurs. Ce n’est que bien plus tard que Noël Arnaud se mettra à défendre et valoriser la Main à plume.
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Paru le 27/09/2023
449 pages
Hermann
30,00 €
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Olivier Bot
07/12/2023 à 09:55
La Main à plume se situe-t-elle clairement dans le sillage de Réverbères? Question orientée. Il suffit de lire les signataires d'état de présence pour constater qu'aucun membre des Réverbères n'est dans la liste. Cette légende construite par Arnaud et ses amis staliniens est une manière de tirer la couverture à eux a posteriori -Lire le livre de Noël Arnaud -alors que le groupe constitué de gens plus âgés que les lycéens des Réverbères, des trotskistes et des communistes libertaires, né en 1938, regroupe des membres qui participent aux réunions surréalistes avant la création de La Main à plume. Enfin, si Rius et Simonpoli ont rejoint les FTP c'est pour se battre, pas par conviction idéologique.
GONG
07/12/2023 à 13:05
Merci pour cette utile mise au point